lundi 30 juin 2014

Balzac, Annette et le criminel

(Publié le 14 Avril 2008)
Honoré de Balzac, Annette et le criminel, GF Flammarion, 1982, 436p. 1ère édition, 1823, sous le pseudonyme d'Horace de Saint-Aubin
Le début :
Annette mène une vie paisible auprès de ses parents et de son cousin, et promis, Charles Servigné ; mais sa vie est bouleversée lors d'un voyage à Valence. L'aventure de Charles avec une passagère de la diligence ruine les projets de mariage entre les deux cousins. Puis, Annette est, elle-même, troublée par un homme, dont la calèche s'est brisée sur la route. Lors de l'attaque d'une bande de brigands, les voyageurs soupçonnent cet inconnu d'être complice; mais ils apprennent qu'il s'agit de M. de Durantal, propriétaire du château du même nom, et ami du préfet. Pourtant, sous cette identité, se cache Argow, le pirate du Vicaire des Ardennes, premier roman de la "trilogie passionnelle". Annette, jeune femme très pieuse, est fascinée par Argow, le criminel, qui décide de renoncer à son ancienne vie pour lui plaire.

Dans ce roman de jeunesse, Balzac est influencé par Walter Scott (Le pirate ) et les romans gothiques, même s'il porte un regard parfois amusé sur la description des sentiments excessifs, notamment. Annette et le criminel est un récit très dense où se  mêlent aventures, passions, meurtres, vengeance, et coups de théâtre !
André Lorant, auteur de la préface de cette édition, souligne le caractère onirique de cette oeuvre où Balzac inclut une dimension spirituelle, influencée par ses propres réflexions sur la religion. Mais il aborde déjà l'étude des physionomies et des caractères.
Ces aspects, présents tout au long du roman, se concentrent dans la 2e partie du roman qui développe l'évolution des sentiments d'Annette et d'Argow.
Annette est une jeune femme mystique et superstitieuse, mais sa passion la conduit à évoluer jusqu'à se révolter et s'opposer à la justice. "Cette Annette qu'on a vue si religieuse, si rigide, courbait maintenant la religion tout entière sous son amour".
Argow est le pirate insensible et froid dans Le vicaire, mais l'amour et la foi d'Annette l'incitent au repentir. Les visions prémonitoires d'Annette, fil conducteur du roman, constituent un élément irréaliste qui accentue le lien entre ces deux personnages aux destins liés.
À cette exaltation de l'amour, je reconnais avoir préféré les parties suivantes. J'ai particulièrement aimé la description du procès d'Argow qui comprend l'acte d'accusation (et rappelle ainsi l'histoire d'Argow dans Le vicaire), les interrogatoires, le réquisitoire et la plaidoirie. Tous ces développements sont très vivants, alertes, et prenants. Balzac maîtrise très bien l'approche judiciaire de son époque.
Le 4e de couverture précise qu'Argow préfigure Vautrin, Annette annonce Ursule Miroüet et Véronique Graslin. Le procès de Tascheron reprend des éléments de celui d'Argow. Ces deux références au Curé de village, m'ont donné envie de relire aussitôt ce roman.

Horace de Saint-Aubin est déjà Balzac, naturellement, mais le style apparaît plus spontané, les descriptions, plus courtes. Le lecteur reconnaît cette forme d'ironie ou de sarcasme dans l'étude des personnages. Je pense que ce roman pourrait plaire aussi bien aux amoureux de Balzac, qu'aux lecteurs plus réticents à l'aborder, sans doute parce qu'ils en gardent un souvenir assez mitigé.

Extrait de la préface de Balzac
"Ah! si j'étais une fois conseiller d'Etat comme je dirais au Roi, et en face encore : "Sire, faites une bonne ordonnance qui enjoigne à tout le monde de lire des romans ! ..." En effet, c'est un conseil machiavélique, car c'est comme la queue du chien d'Alcibiade, pendant qu'on lirait des romans on ne s'occuperait pas de politique ; alors je me garderai bien de dire cela, car ce n'est pas dans ma manière de penser, et, dans ce propos, l'intérêt général était sacrifié à l'intérêt personnel : c'est ce qu'il ne faut jamais faire qu'en secret."
"Ne voulant ainsi que du bien à tout le monde, j'espère que personne ne me voudra du mal, et que mon roman sera un succès, sinon... hé bien, ... j'en ferai un autre, qu'est-ce que je risque ? ce n'est jamais que quelques sous de cervelle qu'il m'en coûte."

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