(Publié
le 22 Mai 2009)
Marcel Aymé, Le vin de
Paris, folio, 245p. 1ère édition, Gallimard 1947.
J'ai beaucoup aimé ces nouvelles, cette
approche psychologique complexe, subtile. Proche du contexte qu'il décrit,
Marcel Aymé traduit la confusion d'une époque mais parvient à introduire une
distance grâce à l'humour ou à des éléments fantastiques. Drôles ou acerbes,
ces textes nous amènent à entrevoir une ambiance, un état d'esprit, et à nous
interroger.
La traversée de Paris, film
de Claude Autant-Lara, sorti en 1956, avec Jean Gabin (Grandil) et Bourvil
(Martin), est adapté d'une nouvelle de ce recueil.
Ce classique est marquant, notamment parce qu'il aborde la
Seconde Guerre mondiale sous l'angle du marché noir et de la vie
quotidienne. La chute est différente, et le texte est bien plus sombre que le film, lissage sans doute expliqué par les sensibilités du public, et que j'avais déjà relevé
pour Le chemin des écoliers.
Certaines scènes sont reprises à l'identique, comme celle des
cafetiers et cette réplique célèbre: "Cinquante
ans chacun. Cinquante ans de conneries !".
On retrouve également : " Monsieur Jamblier, 45 rue de Poliveau,
pour moi, c'est mille francs ! " Et bien
sûr, on entend en écho la voix de Jean Gabin.
Les notions d'illégalité, de bien et de mal, sont au coeur de cette nouvelle. Marcel Aymé précise pour Jamblier: "Comme tout le monde, il savait
d'expérience que les hommes sont assez portés sur la vertu pour la transporter
à l'intérieur même de leur mauvaises actions et asseoir leurs turpitudes sur
des bases honnêtes."
Martin est le personnage le plus
ambigu. Il se trouve "trop sage", mais il "ne voyait rien d'immoral ni de scandaleux dans le trafic
clandestin et ses bénéfices réputés exorbitants. Le vol et l'illégalité était à
ses yeux choses distinctes."
Grandgil voit cette traversée comme un spectateur ; il la vit presque comme un jeu. Les deux personnages se découvrent sans réellement se comprendre. Ils sont à l'image de cette population parisienne qui tente de
survivre, de composer avec leur conscience pendant
l'Occupation. L'humour est présent dans la nouvelle comme dans le film,
mais Marcel Aymé opte pour un ton plus grinçant.
Le marché noir est également le sujet d'un autre texte, Le faux policier. Un comptable endosse un uniforme de policier. Il extorque de l'argent à des criminels pour subvenir aux besoins de sa famille. Les circonstances de la guerre l'amènent à douter de la notion de morale. "Quand on s'est écarté une fois du chemin de la justice, on n'y rentre jamais qu'en titubant sous le poids de ses iniquités".
L'indifférent est la nouvelle la plus courte et la plus glaçante, effet renforcé par une narration à la première personne
d'un criminel froid, sans remord, mais non dénué d'une certaine
sensibilité.
Les cinq autres textes traitent des mêmes thèmes. Marcel Aymé
utilise le conte, les symboles, et le fantastique pour évoquer les années de
privations et le contexte qui fait basculer les personnages. La notion de morale est omniprésente, non comme
une leçon, mais comme un questionnement, et avec l'ironie
ou le cynisme de Marcel Aymé.
Dans La grâce, Duperrier, homme très pieux, est doté d'une auréole. Sa
femme le pousse à commettre tous les péchés pour se débarrasser de cet
accessoire gênant. Là encore, les personnages de Marcel Aymé ne
sont absolument pas manichéens. "Duperrier se laissait aller à de
nouveaux péchés sans trop savoir s'il agissait pour le bien de sa femme ou s'il
cédait à son propre penchant".
Dans La
bonne peinture, Marcel Aymé imagine
qu'un peintre a le don de créer des tableaux qui nourrissent les
spectateurs.
Dermuche est condamné à mort, mais le jour de l'exécution, il est
transformé en nouveau-né.
La fosse aux péchés, la nouvelle suivante,
aborde également la culpabilité et le pardon. L'intérêt
principal de ce texte, est la
personnification des péchés ; humains ou monstres, ces portraits
sont très imagés, symboliques et drôles.
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