lundi 30 juin 2014

Romain Gary, Les enchanteurs

(Publié le 11 Septembre 2007)
Romain Gary, Les enchanteurs.
Fosco Zaga, un écrivain déjà âgé, raconte son adolescence en Russie, deux siècles plus tôt, vers 1770, quand son père est guérisseur de la Grande Catherine. Il évoque sa famille et son amour impossible pour Térésina, la très jeune épouse de son père.
Comme toujours, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Romain Gary, son univers, son style, sa façon si particulière de décrire des personnalités sensibles, entre sourires, passions et rêveries.
Dans ce roman, les enchanteurs sont les artistes, les saltimbanques. Le père de Fosco est astrologue, guérisseur, alchimiste, mais le maître mot de sa profession est l'illusion. Il dit à son fils :
"Plaire, séduire, donner à croire, à espérer, émouvoir sans troubler, élever les âmes et les esprits, en un mot, enchanter, telle est la vocation de notre vieille tribu, mon petit... C'est pourquoi, tant d'esprits chagrins qui ne discernent nulle part le moindre sens caché ni la moindre étincelle d'espoir, nous traitent de charlatans..."
Ainsi, Romain Gary décrit un univers baroque, théâtrale, et dresse des portraits subtils, tendres ou cyniques, avec des référence constantes aux personnages de la Commedia dell arte, à la culture russe et européenne.
Le lecteur croise Freud (un passage que j'ai beaucoup aimé), Catherine de Russie, le père de l'écrivain Pouchkine. On retrouve dans ce roman des thèmes déjà abordés par Gary: l'adolescence (Fosco apprend à rêver dans la forêt de Lavrovo avec ses amis les chênes...) l'amour ("si j'ai vécu si longtemps, c'est que j'ai charge d'amour"), le rapport aux parents (ici, le personnage d'un père), l'écriture et l'art. J'apprécie cette vision de l'art, prise dans un sens très large qui englobe toutes les créations, les illusions, sans être dupe de leur nature, en restant conscient  de la réalité, de ses règles contraignantes.
"Il va sans dire que cette volonté de créer à moi tout seul un monde parfait ne pouvait me mener que sur le chemin de l'art"
La narration à la première personne accentue l'illusion dans ce très agréable moment de lecture, pour voyager dans l'imaginaire poétique de Romain Gary, entre rêve et réalité, dans des décors de théâtre.

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