(Publié le 15 Juillet
2009)
Théophile Gautier, Récits
fantastiques, 1831-1856.
Plusieurs éditions de poche réunissent les nouvelles fantastiques de
Théophile Gautier, notamment Gallimard et Flammarion pour les plus
volumineuses.
Après Mademoiselle de Maupin, j'avais envie de rester dans le rythme
poétique de Gautier et j'ai relu quelques nouvelles fantastiques, avec
beaucoup de plaisir. Chez Gautier, le fantastique est fait d'onirisme dans des ambiances antiques ou
gothiques. Les personnages se perdent dans la confusion du rêve, de l'illusion.
Ils se coupent de la réalité, mais le retour brutal à la vie
quotidienne peut les conduire à la mort ou à la folie. Les chutes sont
souvent ironiques et cruelles, notamment quand les personnages sont victimes de
la jalousie d'un être démoniaque, comme dans "Onuphrius" et
"Deux acteurs pour un rôle".
Gautier traduit avec beaucoup de talent le passage subtil du doute
au fantastique ; confrontés à "l'extraordinaire", ses
personnages sont fascinés, captivés, car l'élément irréel prend souvent la
forme d'une femme.
"La morte amoureuse", l'histoire d'un religieux séduit par une femme
vampire, en est l'exemple le plus connu. On retrouve le thème de la
séduction exercée par l'image d'une femme imaginaire ou surgissant du passé
dans d'autres contes: "Le pied de la momie", "La
cafetière" ou encore "Arria Marcella, où Gautier offre de
très belles descriptions de Pompéi. Dans ces nouvelles,
la fascination transcende la peur, et les personnages se
laissent porter vers leurs rêves.
Si le fantastique n'est pas incarné par une femme, l'amour reste un élément
déterminant dans l'acceptation, la résignation.
Dans "Avatar", Octave de Sarville s'éprend de la
comtesse Labinska qui vit un amour parfait avec Olaf, son époux.
Profondément malheureux, il accepte sans hésiter l'expérience proposée
par le docteur Charbonneau, adepte des pratiques brahmaniques, et plus
mage que médecin. On retrouve ici le monde de l'illusion, les influences
orientalistes et un élément surnaturel non ambigu.
Dans "Jettatura", Paul D'Aspremont séjourne à Naples où il retrouve
miss Ward qu'il espère épouser. Mais la population, superstitieuse, le
croit "jettatore", capable de porter malheur, à cause de son physique
particulier et de son regard étrange.
Comme Paul croise son rival : "Les
fibrilles jaunes se tortillaient sous la transparence grise de ses prunelles
comme des serpents d'eau dans le fond d'une source".
Influencé par ces croyances, Paul finit par douter: "L'esprit humain, même le plus éclairé,
garde toujours un coin sombre, où s'accroupissent les hideuses chimères de la
crédulité, où s'accrochent les chauves-souris de la superstition. La vie
ordinaire elle-même est si pleine de problèmes insolubles, que l'impossible y
devient probable. On peut croire ou nier tout: à un certain point de vue le
rêve existe autant que la réalité."
Et c'est bien cet aspect qui semble au coeur du fantastique de Gautier:
l'incapacité à différencier le rêve de la réalité.
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