lundi 30 juin 2014

Théophile Gautier, Récits fantastiques

(Publié le 15 Juillet 2009)
Théophile Gautier, Récits fantastiques, 1831-1856.

Plusieurs éditions de poche réunissent les nouvelles fantastiques de Théophile Gautier, notamment Gallimard et Flammarion pour les plus volumineuses.

Après Mademoiselle de Maupin, j'avais envie de rester dans le rythme poétique de Gautier et j'ai relu quelques nouvelles fantastiques, avec beaucoup de plaisir. Chez Gautier, le fantastique est fait d'onirisme dans des ambiances antiques ou gothiques. Les personnages se perdent dans la confusion du rêve, de l'illusion. Ils se coupent de la réalité, mais le retour brutal à la vie quotidienne peut les conduire à la mort ou à la folie. Les chutes sont souvent ironiques et cruelles, notamment quand les personnages sont victimes de la jalousie d'un être démoniaque, comme dans "Onuphrius" et "Deux acteurs pour un rôle".
Gautier traduit avec beaucoup de talent le passage subtil du doute au fantastique ; confrontés à "l'extraordinaire", ses personnages sont fascinés, captivés, car l'élément irréel prend souvent la forme d'une femme.
"La morte amoureuse", l'histoire d'un religieux séduit par une femme vampire, en est l'exemple le plus connu.  On retrouve le thème de la séduction exercée par l'image d'une femme imaginaire ou surgissant du passé dans d'autres contes: "Le pied de la momie", "La cafetière" ou encore "Arria Marcella, où Gautier offre de très belles descriptions de Pompéi. Dans ces nouvelles, la fascination transcende la peur, et les personnages se laissent porter vers leurs rêves.
Si le fantastique n'est pas incarné par une femme, l'amour reste un élément déterminant dans l'acceptation, la résignation.
Dans "Avatar", Octave de Sarville s'éprend de  la comtesse Labinska qui vit un amour parfait avec Olaf, son époux.  Profondément malheureux, il accepte sans hésiter l'expérience proposée par le docteur Charbonneau, adepte des pratiques brahmaniques, et plus mage que médecin. On retrouve ici le monde de l'illusion, les influences orientalistes et un élément surnaturel non ambigu.
Dans "Jettatura", Paul D'Aspremont séjourne à Naples où il retrouve miss Ward qu'il espère épouser. Mais la population, superstitieuse, le croit "jettatore", capable de porter malheur, à cause de son physique particulier et de son regard étrange.
Comme Paul croise son rival : "Les fibrilles jaunes se tortillaient sous la transparence grise de ses prunelles comme des serpents d'eau dans le fond d'une source".
Influencé par ces croyances, Paul finit par douter: "L'esprit humain, même le plus éclairé, garde toujours un coin sombre, où s'accroupissent les hideuses chimères de la crédulité, où s'accrochent les chauves-souris de la superstition. La vie ordinaire elle-même est si pleine de problèmes insolubles, que l'impossible y devient probable. On peut croire ou nier tout: à un certain point de vue le rêve existe autant que la réalité."
Et c'est bien cet aspect qui semble au coeur du fantastique de Gautier: l'incapacité à différencier le rêve de la réalité.

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